Quels enjeux pour les projets Web ?

le 7 Juin 2007, par Stéphane

Les projets Web ont désormais des obligations de rentabilité et de pérennité. Ils doivent s'intégrer le plus possible au système d'information. Le but n'est plus d'apprendre mais de tirer les leçons, et d'industrialiser les processus de manière à augmenter la compétitivité de l'entreprise.

Les retours d'expérience montrent que les premiers projets Web étaient plus rentables que ceux actuellement menés par les entreprises. Deux raisons expliquent ce paradoxe. D'une part, la simplicité des projets et des technologies employées était telle que l'investissement était souvent limité à quelques dizaines de milliers d'euros… Ce qui est bien naturel puisqu'il s'agissait souvent d'expériences menées dans le but de convaincre en interne avant de déployer des budgets beaucoup plus importants. Or certaines de ces maquettes sont encore en ligne ! D'où une rentabilité imbattable. D'autre part, la dimension des budgets ne nécessitait pas un contrôle de gestion poussé, voire pas de contrôle du tout, la rentabilité réelle est donc restée à la discrétion des chefs de projet. Sans compter la bienveillance des directions de l'époque devant le nécessaire apprentissage pour suivre la mode de ces " nouvelles technologies ".

Être rentable

La majorité des projets Web actuels ne bénéficie pas de tant de clémence. Ces derniers doivent presque toujours justifier leur budget en démontrant leur rentabilité a priori avec, par exemple, des business cases. Opération d'autant plus difficile qu'ils n'apportent presque jamais d'amélioration perceptible (par rapport au premiers projets) par l'utilisateur final, directions générales y compris. Celles-ci ont par conséquent du mal à comprendre pourquoi les nouveaux projets Web sont si complexes et nécessitent de tels investissements. Un travail pédagogique est souvent nécessaire en amont pour expliquer la différence entre des projets " jetables " et la construction d'une infrastructure Web pérenne, donc rentable sur une période de référence plus longue. Voici quelques idées pour y arriver.

La première bonne pratique à mettre en oeuvre est la définition d'objectifs quantifiés auxquels sont associés des indicateurs de performance. Pour avoir un intérêt, ces objectifs doivent être précis et étalés dans le temps. Cette pratique s'applique bien sûr à l'ensemble des projets, quelle que soit leur nature. Un site de marques visera, par exemple, à recruter 1 000 nouveaux " supporters " à un coût moyen de X € la première année, 1 500 à un coût Y en année 2, 2 500 à un coût Z en année 3. Un intranet devra participer à la réduction des coûts de traitement des notes de frais à hauteur de 30% de l'objectif… La création d'un business plan est donc une étape quasiment obligatoire.

La deuxième bonne pratique est d'intégrer le contrôle de gestion le plus tôt possible dans les phases amont du projet et de s'appuyer sur son expertise en aval pour en mesurer la performance économique. En amont, il aidera à fixer les objectifs, à définir les indicateurs et à construire le business plan dans le respect des principes et objectifs financiers de l'entreprise. En aval, il vérifiera l'atteinte des objectifs et apportera son expertise dans l'analyse de la situation économique du projet. Cette approche a le mérite de lever les doutes et les incompréhensions lors des bilans de fin d'année et d'intégrer, dans les faits, la dimension économique du projet. Elle pose en revanche un problème de moyens et d'organisation car, pour qu'elle soit viable, le contrôleur de gestion doit être disponible et formé aux nouvelles technologies.La troisième bonne pratique est d'assurer un contrôle permanent de l'activité du site et de considérer le contrôle a posteriori comme une opération de vérification annuelle. Le but est de piloter l'activité Web comme une activité à part entière de manière à anticiper les problèmes et y trouver des parades. Par exemple, dans le cas d'un intranet, les rubriques peu visitées pourront être temporairement (ou définitivement) supprimées de manière à réduire les coûts. Dans le cas d'un site marchand, une baisse de trafic supérieure à la moyenne saisonnière pourra être limitée par l'intensification des opérations d'e-mailing.

Être pérenne

L'utilisation des technologies Internet par les entreprises est en train de se rationaliser. On assiste donc à la fin des sites " jetables " - qui correspondaient au processus d'apprentissage de ces organisations - au profit de projets beaucoup plus pérennes. Trois raisons peuvent être évoquées.
Premièrement, les projets Web s'inscrivent désormais dans l'activité quotidienne de l'entreprise. Ce sont donc des projets stratégiques qui doivent être capables d'évoluer avec elle tout en gardant leur cohérence.

Deuxièmement, les choix technologiques sont désormais très structurants, les projets Web n'étant plus de simples compilations de pages HTML isolées mais des applications complexes interconnectées au système d'information de l'entreprise. Pour les concevoir, il est nécessaire de comprendre la stratégie technologique à moyen et long terme de l'entreprise afin de tirer parti de l'architecture générale et des standards.
Troisièmement, la complexité croissante des projets aboutit à des plannings de réalisation de plus en longs - donc à des coûts de plus en plus importants. De tels investissements demandent du temps pour être rentabilisés.

Pour garantir la pérennité de chaque projet Web, une bonne pratique consiste à impliquer les utilisateurs à chaque étape, de la définition du concept au test du pilote en passant par la conception. L'entreprise favorise ainsi l'adoption de la solution, les utilisateurs impliqués étant autant de relais de communication à même de motiver et convaincre leurs homologues.
Une autre bonne pratique vise à coordonner les différents projets Web de l'entreprise pour réaliser des économies d'échelles en identifiant les zones de recoupement fonctionnel de chaque projet. Certaines fonctionnalités sont alors développées à l'occasion d'un premier projet et réutilisées par d'autres applications. Par exemple, le portail, l'intranet, le site marchand et le site institutionnel utilisent tous un outil de gestion de contenu. La solution retenue à donc intérêt à être polyvalente et durable.

S'intégrer au système d'information

Trois motivations poussent de plus en plus d'entreprises à intégrer les projets Web au système d'information de l'entreprise.
Un projet intégré est plus efficace. Dans le cas d'un site marchand, cela permet, par exemple, d'afficher des informations qui aident l'internaute à passer à l'acte (disponibilité, temps moyens de livraison, top des ventes…), de fluidifier la gestion des stocks et la logistique (états synchronisés…), de simplifier la consolidation financière… le tout en apportant une meilleure fiabilité aux données puisqu'elles sont stockées à un endroit unique et mises à jour régulièrement. Un projet intégré permet de réaliser des économies.

D'une part, en mutualisant le coût des composants, il réduit le coût de chaque projet. Dans le cas d'un site institutionnel, un outil de gestion de contenu dédié à l'ensemble de l'entreprise est, par exemple, plus vite rentabilisé que dix projets menés en parallèle par chaque direction. D'autre part, la mise à jour peut être déléguée aux utilisateurs finals, ce qui réduit les doubles saisies et augmente la fiabilité des informations.

Un projet intégré apporte de la cohérence. En adoptant les choix techniques validés par la DSI, il contribue à la convergence des applications vers un système d'information homogène. En se plaçant au-dessus des projets Web, on s'aperçoit qu'ils ne sont, la plupart du temps, que des extensions du système d'information de l'entreprise : l'extranet fournisseurs permet d'accéder aux éléments comptables, le portail autorise les commerciaux à réaliser leur reporting hebdomadaire, les collaborateurs à saisir leurs notes de frais, le site institutionnel et l'intranet diffusent des informations stockées au même endroit…

Au final, les projetsWeb doivent être appréhendés comme des briques du système d'information. Ni plus, ni moins. Ce ne sont pas des solutions miracles qui vont transformer l'entreprise. Ce sont, en revanche, des outils fondamentaux au service de la vision et de la stratégie.

Article paru sur www.zdnet.fr, Stéphane Bordage