Veille stratégique : pourquoi et avec quels outils ?

le 1 Janvier 2015, par Stéphane

Surveiller ses concurrents, suivre les tendances, anticiper la crise : autant d’objectifs pouvant être atteints avec une démarche de veille efficace. Encore faut-il avoir défini les bons indicateurs et suffisamment industrialisé la démarche pour qu’elle ne soit pas trop chronophage…

1. Définir la priorité

En matière de veille, les trois objectifs classiques sont de surveiller ses concurrents, identifier les sujets sensibles, préparer les crises. Une bonne méthode pour identifier son besoin est de dessiner le tableau de bord (en général une unique page suivie d’annexes) que le décideur aura sous les yeux chaque fin de mois. Cette approche possède deux vertus : elle oblige à être synthétique, donc à se focaliser sur un objectif précis. Elle pousse aussi à se poser les bonnes questions : pourquoi mettre ce chiffre et pas un autre ? A quoi cela va-t-il servir concrètement ? etc.

Prendre connaissance du contenu des sites concurrents et vérifier régulièrement comment évolue leur discours ne paraît pas difficile à priori. Et pourtant. Sur Internet les concurrents ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Par exemple, une marque d’eau devra plus surveiller les associations non gouvernementales que ses concurrents. Beaucoup plus actives sur le web, leur prise de parole est très supérieure à celles des marques commerciales. Elles possèdent en plus une proximité avec les internautes qui crédibilise leur discours et renforce leur pouvoir de conviction. Hors, les ONG sont beaucoup plus nombreuses et mouvantes que les sociétés commerciales. Le travail est donc beaucoup plus ardu !

Avec cette vision élargie, l’entreprise est capable de positionner son discours non seulement en fonction des concurrents mais aussi et surtout en fonction des sujets les plus sensibles pour les internautes. C’est là un apport indéniable de la veille stratégique Web. Pour la première fois, il est possible de suivre quasiment en temps réel l’évolution qualitative et quantitative des sujets de discussion.

Sur cette base, l’entreprise peut anticiper les crises et s’y préparer efficacement. Avec un minimum d’efforts, elle peut disposer rapidement d’une base pour construire son argumentaire en fonction des positions et angles éditoriaux adoptés par ses détracteurs.

De quelques heures à plusieurs mois de préparation sont nécessaires pour mettre en place un dispositif de veille Web. En fait, tout dépend du périmètre surveillé et du degré de représentativité statistique nécessaire. Différentes langues, par exemple, rajoutent beaucoup de complexité car elles obligent à prendre en compte des positionnements marketing et des différences culturelles. Ainsi, il faut tenir compte de territoires et de discours de marque spécifiques en fonction de zones géographiques.

Repères : les 4 dimensions du périmètre de veille


En fonction des organisations, le point de départ pour définir le périmètre de veille peut être la marque ou le produit. Viennent ensuite l’objectif, les sujets, les langues, etc. L’idéal est de remplir, pour chaque marque, le questionnaire ci-dessous :
  • Objectif(s) : surveiller ses concurrents, suivre les tendances, préparer la crise
  • Sujet(s) : discours général, prix, offre, etc.
  • Langue(s) : anglais, espagnol, allemand, mandarin, français, etc.



2. Mettre en place la méthode

Une fois l’objectif précisé, la première action consiste à rechercher et à lister les sites, les forums, etc. sur lesquels s’expriment vos concurrents et les autres cibles à surveiller. A ce stade, la démarche doit être empreinte de bon sens et d’expérimentation. Il faut bien sûr regarder les sites des cibles identifiées mais aussi tester des combinaisons de mots clés et des formats en suivant son intuition. Dans certains cas, les recherches par mots clés sur des images peuvent aboutir à des résultats très pertinents, les visuels cristallisants l’opinion au travers de bannières anti-produit/entreprise… En remontant jusqu’au site sur lequel elles se trouvent, on identifie des sites, forums, etc. peu visibles mais très nuisibles. A la fin de cette étape, vous devez avoir lister tous les supports rencontrés.

Le but de la deuxième étape est d’isoler les sites, forums, etc. les plus pertinents en fonction de critères logiques, en adéquation avec vos objectifs. Par exemple, si le but est d’être quantitativement représentatif, il peut être intéressant d’évaluer la visibilité de chaque site (trafic x positionnement dans les moteurs) pour ne retenir que les plus visibles. Si l’objectif est de préparer la crise, l’idéal est de lister les sites les plus visibles mais aussi de retenir les plus virulents ! A la fin de cette étape, une liste affinée de supports et de mots clés est prête à être utilisée chaque mois.

Reste à tester les indicateurs et leur règle de calcul en remplissant deux premiers tableaux de bord. Si aucun écart ou tendance n’apparaît, il peut être intéressant de renouveler l’opération un mois de plus pour être sûr de la cause : indicateurs pas assez fins, environnement calme, etc. Une fois les tableaux de bord validés, il s’agit d’industrialiser la démarche.

Repères : 7 étapes de mise en oeuvre


  • 1. Benchmark
  • 2. Listing des sites, forums, etc.
  • 3. Tri des sites, forums, etc. pertinents en fonction de l’objectif de veille
  • 4. Remplissage d’un premier tableau de bord
  • 5. Validation du tableau de bord, corrections
  • 6. Remplissage du tableau de bord sur 2 à 3 mois
  • 7. Validation, corrections



3. Industrialiser le processus

La veille sur Internet peut vite devenir une tâche insurmontable quand on doit suivre 5 marques en 3 langues sur plusieurs thématiques. Heureusement, de nombreux outils facilitent l’automatisation des tâches répétitives.

Google News, un service gratuit proposé par le célèbre moteur de recherche, permet par exemple d’être automatiquement alerté quand un site parle de votre marque, de votre produit, de votre concurrent, etc. dans un article. L’inscription au service s’effectue en un clic mais doit être répétée sur les différentes versions du moteur quand la problématique est multilingue. Il devient dès lors très simple de quantifier le nombre d’articles traitant d’un sujet précis. Au final, la comparaison entre les scores des différents sujets fait ressortir la tendance générale (plus ou moins d’activité éditoriale) et isole les thèmes les plus sensibles.

Copernic Agent Professional 6.11 et www.profusion.com, deux outils qui permettent d’automatiser la surveillance de mots clés en paramétrant la fréquence des requêtes, apportent un bon complément à Google News. Le premier est l’outil le plus professionnel mais il est payant (79,95 euros) alors que le second, gratuit, ne s’utilise que via le site web du même nom. Cependant, ce méta moteur surpuissant offre pas moins de 22 recherches pré paramétrées, la prise en compte de centaines de moteurs spécialisés (essentiellement en langue anglaise), un affichage fin des résultats, des alertes pour chaque résultats avec envoi d’email, des recherches en tâche de fond… Profusion est bien adapté aux petits budgets et aux problématiques peu complexes : monolingue, quelques thèmes, un produit ou une marque… Dans le cas contraire, Copernic Agent Pro est incontournable.

Quand l’objectif est uniquement de surveiller les sites de la concurrence ou de trublions, des logiciels comme WebSite-Watcher 3.60 (29,95 $) sont largement suffisants. Leur principe de fonctionnement est assez simple : l’utilisateur choisi la page web à surveiller (ou importe tout ou partie de ses bookmark). A partir de ce moment, toute modification de la page déclenche une alerte qui prévient l’utilisateur. Pratique pour surveiller les news des concurrents !

Enfin, www.archive.org a récemment ajouté à son offre une fonctionnalité gratuite permettant de savoir combien de fois un mot clé a été recherché chaque année depuis 1996. Très pratique pour repositionner les sujets étudiés dans une perspective plus large.

Repères : 4 outils de veille





Au final, une démarche de veille efficace repose avant tout sur une bonne compréhension du marché et l’identification fine de couples cibles/thématiques à surveiller, les outils existants se limitant à l’automatisation d’une partie des tâches récurrentes.

Stéphane Bordage
Article initialement paru sur ZDNet.fr